Définition
La thérapie cognitive s’installe peu à peu à partir des années 60, avec T. Beck. Travaillant originellement sur la dépression, il relève l’existence de blocages cognitifs au changement : pensées automatiques, dialogue intérieur… Loin de la psychanalyse, ces processus de pensées portent sur des sujets bien « concrets ». A partir de ce constat va se mettre en place un modèle cognitif, adaptable notamment aux troubles anxieux.
L’approche cognitivo-comportementale (pour parler plus simplement, l’analyse des pensées, croyances et des comportements qu’elles provoquent) est un élément essentiel et fondateur de toute démarche thérapeutique.
Chaque être humain vit des situations. Ces situations sont interprétées par l’intermédiaire de pensées (autoverbalisations) ou d’images mentales (dialogue intérieur).
De ces pensées, croyances et représentations mentales dépendront l’humeur et le comportement de l’individu.
Le système cognitivo-comportemental de l’individu pourrait être représenté comme suit :
Les thérapies cognitives et comportementales étudient ce système, mettent en valeur des disfonctionnement ou distorsions au niveau cognitif (pensées, …). L’approche cognitive a pour but de restructurer ces schémas.
Les différents types de distorsions cognitives, de pensées dysfonctionnelles sont identifiés, définis et expliqués afin de pouvoir ensuite les remettre en cause, les modifier ou les éliminer et permettre ainsi de nouveaux comportements plus adaptés.
Nous pensons
« Je pense donc je suis »
A tout moment nous pensons. Ce qui est cognitif regroupe les pensées, système de représentation, images mentale que nous mettons en place entre nous et la réalité. Ce système de représentation s’établit en fonction de nombreux filtres, détaillés précédemment. Nous construisons donc notre propre lecture de la réalité.
Ce que nous pensons
« J’en pense plus de bien que de mal », « j’en pense plus de mal que de bien ».
Si on mène l’enquête, on se rend compte que chaque individu va avoir une lecture personnelle de la réalité, plus ou moins adaptée au bien-être. Schématiquement, cette adaptation va se révéler par la proportion de pensées négatives et positives :
La restructuration cognitive va donc avoir notamment pour but de rétablir un certain équilibre, diminuer les proportions du négatif, augmenter celles du positif, cela non pas en sombrant dan un positivisme béat mais en observant la réalité le plus objectivement possible.
Pensée et émotion
« Nous ressentons ce que nous pensons »
C’est là un élément essentiel. Si nous reprenons le schéma précédemment utilisé, il y a un lien à bien intégrer. Ce n’est pas la réalité que nous ressentons mais ce que nous pensons de la réalité.
On vit une situation, on en pense quelque chose. De ce qui est pensé découleront et dépendront les émotions, comportements.
Il y a quelques années je travaillais avec une jeune phobique sociale. Elle ne voulais plus sortir. Nous découvrîmes qu’elle avait un grand-père dont le dicton favori était : « l’homme est un loup pour l’homme ». Peu à peu, elle avait intégré ce dicton, le posant comme une vérité absolue. Tout le monde lui reprochait de ne pas vouloir sortie. Je lui dis à l’époque : « Tu as entièrement raison de ne pas sortir. Aller au milieu des loups, moi non plus je ne le ferai pas ». Elle me considéra autrement, et nous avions pu alors commencer à travailler sur cette vision du monde. Etait-ce vrai ? Etait-on tous des loups ? (A la fin je l’accueillais d’ailleurs en hurlant à la mort !). Ayant recadré ce système de pensée, modéré sa croyance, elle a pu ressortir.
Une croyance n’est pas une vérité, une croyance est une théorie sur la vie énoncée à travers de nombreux filtres, tenue comme vraie, absolue mais non-vérifiée.
L’ émotion est justifiée, est en cela complètement respectable quelle qu’elle soit, mais la pensée en amont ne l’est pas. En cela, la thérapie cognitive pourrait être appelée la “thérapie du bon sens”.
Pensées automatiques
Le cognitivisme est avant tout une science de la pensée.
On analyse donc ce qui, dans les pensées, modes de pensées, dans les croyances, disfonctionne et génère le mal-être.
Penser, chez l’être humain se concrétise, schématiquement de deux manières :
- Pensées automatiques
Ce mode de pensée n’est pas contrôlé ou conscient.
L’individu est passif. Ses pensées s’imposent à lui-même comme des schémas prédéfinis issus de l’observation (subjective et déformée) par le sujet de lui-même de son environnement et de toutes leurs interactions.
Ex : « ça n’arrive qu’à moi », «de toute façon je vais me planter », «il ne me supporte pas … »
Ce mode de pensée est donc automatique, immuable et constant : la pensée contrôle le sujet
2. Pensées rationnelles
Mode de pensée contrôlé et conscient (autant que cela est possible et envisageable). Il s’agit d’une pensée intentionnelle, plus ponctuelle.
Face à un événement, on ne réagit pas automatiquement, on ne se laisse pas influencer par un vécu, des interprétations abusives et mécaniques.
On prend du recul, on recherche une démarche logique et rationnelle : Le sujet contrôle la pensée.
Du choix entre ces deux modes de réponses de la pensée dépend l’équilibre du sujet.
La démarche cognitive propose de s’interroger sur ces pensées automatiques et leur mise en place, pour, dans un second temps les remplacer par des observations plus rationnelles et conformes à la réalité. Le sujet reprend le contrôle de ses pensées et de leur pertinence.
Remettre en cause ses a-priori, c’est se permettre de repartir sur de nouvelles bases, de rendre possible le changement, de générer d’autres comportements chez soi et, en interrelation chez les autres.
Distorsions
Les distorsions de la pensée sont le fruit d’interférences arbitraires du sujet sur ses pensées.
Ces processus bien entendu, nourrissent et aggravent le mal-être.
Lectures de pensées : l’individu pense savoir ce que pensent les autres sur lui-même.
Ex : « Ils me prennent pour un imbécile »
Affirmation sans preuve : ce sont la plupart du temps des prédictions aléatoires, à la forme négative.
Ex : « De toute façon, on ne va pas y arriver »
Maximalisation et minimalisation : Tendance à surestimer les échecs, à sous estimer les réussites.
Ex : «Là, de toutes façons, c’était trop facile. Tout le monde pouvait le faire. »
Généralisations abusives
Ex : « les hommes sont des… »
Tout ou rien :
Ex : « on existe que quand on gagne»
Déduction abusive ou sélective : tendance à ne retenir que ce qui sert l’idée anxiogène, en le sortant de son contexte.
Ex : « Il ne m’a pas passé le sel. Tu vois qu’il ne m’aime pas »
Personnalisation excessive des événements : ramener les événements à soi.
Ex : «Tout ce qui arrive est de ma faute»
Flèche descendante
Intéressante, cette technique montre la tendance du sujet stressé (et anxieux) à choisir l’option la plus défavorable ou pessimiste. Cette démarche cognitive est d’ailleurs tellement développée que l’individu n’envisage plus que cette hypothèse catastrophiste. Il se focalise sur une des facettes de la réalité qui s’offrent à lui.
La flèche descendante est une technique de découverte par le sujet de ses schémas cognitifs de fonctionnements. La vision plus globale des hypothèses permet de recadrer le regard qu’il porte sur le monde.
Restructuration
Cet ensemble de techniques va permettre de dévoiler au sujet ses propres processus cognitifs pour pouvoir les remettre en cause, construire une autre représentation de la réalité. En cela, l’approche cognitive est un outil important. Cette « mutation » cognitive, nécessaire, est un élément fondateur du changement en thérapie.
Thérapie comportementale – Notion
La thérapie comportementale est construite sur le modèle de l’apprentissage, du conditionnement plus particulièrement. Il s’agit de mettre en place un nouvel apprentisage à la place d’un ancien, non-adapté au bien-être.
La plus répandue des techniques, utilisée d’ailleurs dans le traitement comportemental de la boulimie est la désensibilisation systématique : on expose le sujet au stimulus anxiogène afin qu’il s’habitue, apprenne une nouvelle réponse. On demandera par exemple à une personne boulimique de retarder le début d’une crise.
On parle beaucoup des thérapies comportementales, au regard d’un certain succès voire d’une certaine mode. Mais si succès il y a, c’est à la faveur également d’autres facteurs parmi lesquels une restructuration cognitive qui se met en place au fil des expositions.
Exposition
Quelques règles comportementales sont utiles à connaître :
1) L’anxiété baisse si on prolonge l’exposition.
L’anxiété monte puis stagne, puis baisse. Il n’y a pas de bénéfice à l’exposition si on quitte la situation pendant la montée (échappement) mais augmentation de l’anxiété relative à la dite situation.. Pour qu’il y ait habituation (diminution et/ou disparition du conditionnement anxiogène), il est nécessaire de quitter la situation quand l’anxiété se réduit et/ou a disparu.
2) Le degré maximal d’anxiété baisse si on répète les expositions.
Si on répète une situation, elle est de moins en moins anxiogène.
3) La durée de l’anxiété baisse si on répète les expositions.
Si on répète une situation, le degré d’anxiété revient de plus en plus vite à la normale.L’idéal en thérapie est d’aboutir à des expositions qui n’en soient pas : avoir travaillé en amont avec une telle efficacité, que l’exposition devient naturelle, non-problématique.
Bibliographie
Manuel de thérapie comportementale et cognitive / B. Samuel-Lajeunesse, … / Dunod |
L’entretien en thérapie comportementale et cognitive / C. Mirabel-Sarron, L. Vera / Dunod |
Les thérapies comportementales et cognitives / N. Jarousse / Ellébore |
Précis de thérapie cognitive / C. Mirabel-Sarron, B. Rivière / Dunod |
Les thérapies cognitives / J. Cottraux / Retz |
Les thérapies comportementales et cognitives / J. Cottraux / Masson |
Thérapie cognitive de la dépression / I.M. Blackburn / Masson |
Précis de Thérapie comoportementale et cognitive / G. Mihaescu / Editions Médecine et hygiène |
Dictionnaire de psychothérapie cognitive et comportementale / D. Nollet / Ellipses |
Les bases de la psychothérapie / O. Chambon, M. Marie-Cardine / Dunod |